Cela fait trois jours que je suis sur place. J'ai eu le temps de prendre quelques marques, en fait je ne suis plus étonné de rien ici.
Avant mon départ j'étais sûr que je débrouillerais bien seul, je suis parti dans l'objectif d'être le plus ouvert possible, et voyais ce voyage comme une sorte de face à face avec un monde inconnus, connaître ses limites et apprendre à connaître un monde qui foule la même planète que nous autres occidentaux, mais qui vit la vie tant différemment que s'en est à peine croyable. Puis plus le départ approchait, plus je devenait anxieux, et si finalement j'étais "trop" optimiste si la désillusion devait être top forte ? Quelle serait ma réaction ? Et si je ne me surestimais pas un peu pour un premier voyage hors d'Europe (quand on sait si c'est limite en rasant les murs que je rentre chez moi le soir à Nantes) ?

Mon arrivée sur place et la prise de conscience de ma solitude parmi une foule compacte et tellement différente de mon mode de vie, de pensée, de moeurs et de culture m'a choqué; oui ce fameux choc des civilisations...Mais pas que, je parlerais plutôt d'une prise de conscience quand à sa propre fragilité, une choc d'égo. Comment travailler sa confiance en soi lorsque l'on pense ne pouvoir faire confiance en personne ? il est évidant que croire tout le monde ici n'est pas une bonne idée, mais ne croire personne et se renfermer est pire encore, ç'est là que l'on perd pied, et fort heureusement je me suis jeté dans le bain dès mon arrivée, je ne devait pas rester sur une expérience pareil sans chercher à vraiment me confronter à l'Autre (qui plus est Autre Indien, c'est une hyperbole). Accepter ma propre faillibilité tout en gagnant confiance, c'est un défi pour un anxieux comme moi. 

Voyager seul, à moindre de ne vouloir vivre une expérience en ermite est impossible dans un pays si dense que l'Inde, il y a toujours quelqu'un à qui discuter, avec qui échanger, qu'il s'agisse d'un marchandage ou d'une réelle discussion sans début ni fin, le vrai plaisir de discuter juste pour discuter, et malgré le harcèlement de tous qui me prennent pour un porte monnaie ambulant, je dois faire preuve d'empathie ; Et si moi même je vivais dans la même situation ? Que ferait-je pour vivre ? 
Voyage seul implique de s'ouvrir à l'Autre, et à ne pas hésiter à prendre le risque de déranger. C'est ce que je fais quand je croise des touristes dans mon hôtel, je ne sais pas qui ils sont, mais je veux le savoir, je veux connaître leurs points de vue quand à leur expérience, je veux partager le miens, un enrichissement totale. Je n'ai pas été surpris d'entendre des récits tous plus négatif les uns que les autres, il y a une frontière très fine entre une bonne et une mauvaise expérience :  C'est justement l'empathie envers l'Autre, accepter de ne pas changer le monde comme on crois nous le montrer si souvent à la TV en France ou il suffit (il paraît) de décrocher son téléphone pour faire un don et sauver un enfant malade, et se coucher fier de sa BA du jour. Alors évidemment ça ne veux pas dire ne pas éprouver de dégout ou d'horreur devant certaines choses vraiment difficiles, mais ça veux dire "se blinder" en ne se sentant pas "concerné", être témoin et non acteur. 
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Je peux raconter quatre rencontres marquante que j'ai eu (en un peu plus de deux jours) pour illustrer mes proposes. Un couple de jeunes Français malades et affectés face à la folie Indienne; Leur voyage qu'ils imaginaient long et une sorte de désillusion (pour le moment en tout cas), ils ont souffert du Choc, et la maladie à finit de désintégré leur positivité. Comment retrouver foi en un pays dont on n'ose même plus manger la nourriture par simple crainte de tomber malade ? Comme on dit c'est le jeu, mais je peux comprendre. je ne suis pas encore tombé malade et ne peux pas imaginer ma réaction en étant seul confronté un 3 jours infernales dans une chaleur épouvantable.
Un autre couple, espagnols cette fois m'a interloqué dans le même hôtel (cet hôtel d'Agra a finalement un charme et représente une certaine croisée des chemins malgré les cafards sous le lit ahah), le même récit, cette femme n'avait pas bien vécu sont arrivée, trop choquée des sollicitations incessantes et des conditions de vie misérable. Elle était trop empathique, et se sentait trop concernée, elle n'avait pas le détachement nécessaire...et elle n'est pas au bout de ses peine à mon avis quand elle m'a dit où elle comptait aller. 
Enfin un jeune d'à peu près mon âge, Français, qui voyageais aussi en solo en Inde depuis deux semaines avec qui j'ai partagé cette journée, avait une conception du voyage en solitaire très proche de celle que j'entendais vivre (et donc de mes premier constat), oui c'est crade, oui ils sont lourd parfois ces Indiens, mais dans quel pays occidental pourriez vous vous asseoir 5h au bord de la route sans même vous ennuyer à simplement regarder la vie se dérouler sous vos yeux dans toute sa complexité ? Alors parfois il y a de franches tranches de rire, d'autre de l'agacement réel, un ascenseur émotionnel qui garde tout de même une certain positivité, en raison de ce fameux détachement ("on regarde, mais on ne touche pas). Il ne prenait pas de photos, il voyageait pour lui même,son témoignage était le suivant : "Voyager seul s'est se rendre compte du plaisir de voyager à plusieurs mais s'est aussi trouver le plaisir de voyager en tête à tête avec soi-même et trouver le contact de l'Autre."

Voila donc que je commence à me rendre compte de la portée d'un tel voyage, la patience, la modération et le partage, même en étant seul, ne pas être égoïste, aller vers l'autre, mais sans se prendre pour un Dieu, comprendre que l'on est comme l'Autre, un navire qui navigue sur le même océan bien qu'un peu plus étincelant. La modestie.

Oui je me suis surestimé, surestimé de ne pas croire qu'on pourrait tirer du bénéfice à être inquiet, surestimé de croire que l'on peux témoigner comme pour affirmer une sorte de supériorité intellectuelle sans payer le prix de l'empathie. Finalement une belle photo est l'histoire qui se cache derrière avant d'être un beau cadrage. Je crois que, avec mon peu de temps sur place je peux avoir une seule certitude : Celle de m'estimer, comme faillible et entouré par l'Autre.